L’Initiative Minder

Entre 2008 et 2013, la Suisse a connu un débat public farouchement combattu, dirigé par Thomas Minder, un grand homme d’affaires suisse et membre du Parlement suisse au sujet des paiements excessifs versés aux dirigeants d’entreprise. Au moins cinq des 20 directeurs généraux européens les mieux payés travaillaient pour des entreprises suisses.

 

Un mois avant le vote de le Minder, l’initiative a été stimulée par la nouvelle que le comité de Novartis avait secrètement prévu de verser secrètement le Président sortant Daniel Vasella 72 millions de CHF en prime de départ. En réponse à la colère publique, Novartis a déclaré que le paiement serait annulé.

 

Le 3 mars 2013, le vote public suisse a approuvé, à une large majorité (environ 68 %), l’initiative contre les rémunérations abusives. Compte tenu de ce message clair, le Conseil fédéral suisse a concrétisé sa promesse de mettre rapidement en œuvre l’Initiative Minder et ses exigences clés en matière de gouvernance d’entreprise.

 

La proposition donne aux actionnaires un vote annuel sur la rémunération des directeurs. Elle élimine l’autorisation des primes, ainsi que les indemnités de départ et des incitations supplémentaires pour mener les transactions de fusion. Le projet comprend aussi des règles pour punir les dirigeants qui enfreignent les conditions de peines allant jusqu’à trois ans de prison.

 

En tant qu’organisme de réglementation de la gouvernance, l’État est appelé à concilier la liberté d’entreprise nécessaire pour que les sociétés prospèrent contre les intérêts légitimes des actionnaires et autres parties prenantes. L’État ne peut pas interférer dans le processus décisionnel des organes du pouvoir exécutif mais doit veiller à ce qu’un équilibre approprié soit établi entre la direction et le contrôle dans une entreprise.

 

Le gouvernement a un intérêt sérieux dans la réussite économique des entreprises, et doit donc leur donner la liberté de développer les structures du succès. Toutefois, il doit s’assurer que la surveillance et la responsabilité soient garanties. Par conséquent, il faut trouver le bon équilibre entre un degré de réglementation et la libre entreprise.

 

Cette nouvelle loi est maintenant exposée dans l’article 95 paragraphe 3 de la Constitution fédérale Suisse (Art. 95.3) qui est entré en vigueur le 1er janvier 2014 avec effet immédiat, sous réserve seulement des dispositions transitoires.

 

Art 95.3 modifie fondamentalement le cadre juridique sur la rémunération des cadres supérieurs pour les entreprises publiques suisses et reflète un changement en cours dans le paysage actuel de la gouvernance mondiale vers une augmentation des droits des actionnaires. Il met également en œuvre des sanctions pénales graves.

 

Say-on-pay

L’intention de renforcer les droits des actionnaires dans les entreprises répertoriées en Suisse est au cœur de l’Initiative Minder. L’art. 95.3 exige que chaque entreprise publique suisse établisse son cadre sur la rémunération « say-on-pay » qui doit remplir trois conditions :
(i) le vote les actionnaires sur la rémunération doit se tenir chaque année ;
(ii) le vote des actionnaires sur la rémunération doit être final et obligatoire plutôt que purement consultatif ; et
(iii) le vote des actionnaires sur la rémunération doit se tenir séparément pour le Conseil d’administration, l’exécutif et le Conseil consultatif, le cas échéant.

 

Dans ces limites, une entreprise est libre d’établir avec souplesse son propre cadre de rémunération. Toutefois, un tel cadre établi doit être reflété dans les statuts de l’association et énoncent les détails et la nature d’un vote sur la rémunération, y compris, notamment, les aspects d’échéance et les conséquences d’un résultat négatif.

 

la loi est vague quant à la nature du vote. Une société est libre sur son choix de soit ;

  • présenter à ses actionnaires la compensation proposée par le Conseil sans offrir aux actionnaires l’occasion de soumettre leurs propres contre-propositions,
  • permettre les contre-propositions par les actionnaires.

 

Si les contre-propositions sont tolérées, les entreprises peuvent se trouver dans une situation embarrassante, ainsi nous voyons le mode plus restrictif d’avoir seulement le vote des actionnaires sur la proposition de la Commission sans accepter les contre-propositions par les actionnaires.

 

Le vote sur l’indemnisation peut être tenu prospectivement (par ex. jusqu’à la prochaine AGA pour l’exercice à venir) ou a posteriori (par exemple pour l’exercice précédent). La tendance semble pencher vers un éventuel vote sur la rémunération fixe et les incitatifs variables à long terme tandis que les incitatifs à court terme sont généralement susceptibles d’être adressés rétrospectivement, ce qui permet aux actionnaires de passer un vote sachant si oui ou non la gestion a en effet atteint ses objectifs.

 

Ce qui est encore incertain, c’est de savoir ce que serait le résultat si les actionnaires rejetaient les propositions d’indemnisation ? Le jury devrait-il appeler une Assemblée générale extraordinaire ? Il n’est pas permis de mettre en place un mécanisme qui reviendrait à priver les actionnaires de leur droit à régler en fin de compte l’élément de compensation concerné.

 

Les indemnités de départ ne sont pas permises sauf si elles sont requises par la loi (suisse ou étrangère) ou suite à un départ de la direction après un jugement ou une ordonnance. Les paiements pendant une période de préavis de 12 mois ou les contrats de travail à durée déterminée n’excédant pas 12 mois (c’est-à-dire les paiements dus jusqu’à la fin de la relation contractuelle) ne constituent pas des indemnités de départ prohibées et sont donc encore permis. Les conventions de non-concurrence et les accords de consultation pour une période postérieurs à l’emploi sont encore autorisés à moins qu’ils ne servent à contourner l’interdiction des indemnités de départ.

 

Les primes d’embauche en  compensation pour la perte d’avantages accordés par l’ancien employeur restera admissible. Cependant, les paiements initiaux sont considérés comme des paiements anticipés interdits.

 

En résumé, la liberté de l’entreprise quant à la surcompensation pour ses administrateurs et dirigeants devrait être sensiblement diminuée par l’Art 95.3.

 

En outre, l’Art 95.3 précise que les actionnaires doivent avoir la possibilité de donner des consignes de vote en cas de nouvelles propositions (ad hoc) (Anträge). De plus, l’Art 95.3 détermine que les procurations envoyées sans instructions (comme c’est, en pratique, souvent le cas), doivent être calculées comme des abstentions. Pourtant, chaque fois que la règle de la majorité absolue (la règle par défaut en vertu du droit suisse des sociétés pour les résolutions d’actionnaires) s’applique, ces abstentions ne sont comptabilisées comme des « non ». Dans ce contexte, il reste à voir si des procurations peuvent être spécifiquement élaborées pour résoudre ce problème, c’est-à-dire en indiquant sur la procuration qu’elle sera réputée exercée de la manière décrite (par exemple pour appuyer la proposition de la Commission) si dûment exécutée mais envoyée sans aucune case cochée. L’Art 95.3 prévoit en outre, que les instructions et les procurations sont valides uniquement pour l’AGA à venir.

 

Les fonds de retraite

L’initiative Minder nécessite que les fonds de retraite usent de leur droit de vote dans le meilleur intérêt des assurés au sujet des élections et lorsque le vote porte sur les questions de compensations. En outre, les fonds de retraite doivent divulguer leur comportement de vote.

 

Malheureusement, la mise en œuvre concrète de l’initiative de Minder prendra des années

 

En guise de conclusion…

L’initiative de Minder risque de n’être qu’un tigre de papier, surtout si les actionnaires restent mal informés quant à leurs droits et aux fonctionnements de l’entreprise, et que le gouvernement met en œuvre une version quelque édulcorée de l’initiative.

 

En outre, la surveillance est nécessaire afin que les entreprises ne puissent pas occulter les questions matérielles qui doivent être prises en considération pour déterminer la rémunération et les avantages.  SUISHARE, avec ses initiatives pour une meilleure surveillance, soutiendra afin d’atteindre les résultats escomptés. À cette fin SUISHARE offre des formations, des explications et un contrôle robuste.

 

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